S’entretenir de la poésie. À quoi bon ? demandait le penseur, et il ajoutait « [ À quoi bon] les
hommes de l’art (Dichter) en temps nécessiteux
». Est-il encore temps ?

samedi 10 décembre 2011

Traduire

Avec Isabelle Berman, Robert Davreu, Michel Deguy, Claude Guerre, Patrick Quillier, Martin Rueff, Tiphaine Samoyault et Valentina Sommella.













Traduire est une des grandes affaires de Po&sie – parce que c’est une des grandes choses de ce temps. Traduire activement, en curiosité incessante tournée vers les littératures, en alerte, en réponse à la demande pressante, du passé, du présent, de l’à-venir. Et par conséquent « la traduction » est un des principaux objets de réflexion de notre revue – et volontiers dans la fidélité critique au travail, à bien des égards inaugural, d’Antoine Berman, dont notre collection va publier un nouvel ouvrage posthume.

Tantôt le traduire, au sein de la « mondialisation » économique, traverse, réduit, neutralise la différence des langues (dans « l’interprétariat simultané ») ; Tantôt Babel revient comme le trésor : traduire creuse l’abîme qui sépare les langues, la différence, le ne-pas-s’entendre réciproque des êtres parlants. Les œuvres protègent Babel.

Si la translation en géométrie parvenant à la superposition fait preuve de l’égalité, la « translation » traductrice manifeste la non- superposabilité des œuvres, l’impossibilité du « sans reste », la fécondité du malentendu, la réserve de l’intraduisible – et la richesse infinie de cet effort impossible – sous l’invocation fréquente de Walter Benjamin.

Cependant nous habitons un même monde. Quel est donc le sens de « monde » pour que nous continuions à le penser « commun » ? Et quoi de l’autre-que-le-monde, non connaissable (Kant), toujours interrogé par les littératures du monde, pour s’en proposer une version les unes aux autres ? La « condition de l’homme moderne » (Arendt) est de plus en plus celle d’un traducteur.

Tiphaine Samoyault, traductrice multiple (et, récemment, de Joyce) éclaire cette ouverture réciproque en cherchant à penser la traduction comme procréation. Entourée par ceux de Po&sie qui traduisent, en particulier par Martin Rueff, et notre invité Patrick Quillier, poète et traducteur de Fernando Pessoa en français, elle conduit l’entretien.

/ Michel Deguy